À la mi-février 2014, je terminais ma chimiothérapie. J’avais très hâte de me retrouver, de reprendre des forces, de récupérer mon énergie et mes cheveux!
Par un heureux hasard, mon cycle de chimio (protocole TC, 4 traitements aux trois semaines) suivait le cycle des saisons. C’était l’hiver pour moi en pleine chimio. Mon crâne dégarni se comparait aux arbres dépouillés de leurs feuilles. Le froid dehors ressemblait au froid qui m’habitait. Tout comme on traverse l’hiver en s’adaptant aux intempéries, aux tempêtes et aux contraintes, je composais avec les effets négatifs de la chimiothérapie.
Puis arrive enfin la fin des traitements. Je me suis mise à espérer le printemps aussi ardemment que j’attendais la repousse de mes cheveux. Cette fois, par contre, j’avais de l’expérience par rapport à la fin des traitements. Parce que c’est la deuxième fois que je vis ça, une « fin de traitement ». J’ai reçu un premier diagnostic de cancer du sein une première fois, à l’âge de 30 ans. Et quand j’ai terminé mes traitements de radiothérapie en 1995, j’ai réalisé brutalement que de terminer ses traitements, ce n’est pas juste festif.
Je vous explique comment ça s’est passé pour moi la première fois…
À ce moment, j’ai un 30 ans tout neuf. Je me prépare à aller à mon dernier traitement de radiothérapie. Je suis excitée, car cette étape marque la fin de tous mes traitements. Ça sera la dernière date marquée d’un gros « X » sur mon calendrier. Je songe à reprendre ma vie là où je l’ai laissée: mes activités, mon travail, etc. Et j’ai hâte! TELLEMENT hâte! Je suis joyeuse et j’ai le cœur à la fête.
Avant de me rendre à mon traitement, je passe chercher des cadeaux pour le personnel qui m’a vue tous les jours durant ce mois de radiothérapie et qui m’ont aidée par leur attitude et leur sourire. Je téléphone aussi à mon père pour lui dire que je vais aller le voir après mon traitement. J’ai même acheté du champagne, moi qui n’en buvais pas vraiment à cette époque. Je tiens à célébrer, à faire un « chin-chin » à la fin de cet épisode et au retour à ma vie normale.
Mais voilà… ça ne s’est pas passé tout à fait comme prévu. J’ai eu quelques surprises.
La première chose qui m’a étonnée, c’est ma réaction à la fin du traitement de radiothérapie. Il ne faut pas bouger pendant qu’on nous expose aux radiations. Dès que la technicienne m’a dit que c’était terminé, ce n’est pas un sourire qui a illuminé mon visage, mais plutôt des larmes qui ont rempli mes yeux. À ce moment, si ce n’avait été du personnel dans la même pièce que moi, je crois que j’aurais pleuré à chaudes larmes un bon moment. Surprenant… Je suis sensible, mais je ne pleure pas si facilement habituellement. Surprise de cette réaction, je me demande ce qui se passe. Et je me l’explique de la façon suivante : quand on sait qu’il y a d’autres étapes à venir, on s’y prépare mentalement, on « monte la garde ». Puisque c’était le dernier traitement, je crois que j’ai tout simplement baissé la garde, un peu comme si je laissais un barrage céder. Soudainement, la rivière, enfin libre, en prenait avantage et se déchaînait à gros torrents. Tout comme la rivière, mes émotions bien contenues sont remontées rapidement à la surface! Wow : j’étais loin de m’attendre à une telle réaction!
Puis, je sors de l’hôpital. Je m’imaginais presque sautiller de joie, puisque j’ai congé de l’hôpital, à part pour mes suivis. C’est réjouissant, non? Mais plutôt que de sautiller, je marche bien calmement vers ma voiture. Encore une fois, je me demande ce qui se passe. Mais pourquoi ne suis-je pas plus enthousiaste?
Chez mon père, une autre surprise. Bien sûr, tout le monde est content pour moi. On entrechoque nos verres de champagne, on sourit, on se dit que la tempête est derrière. Je suis très contente, mais je n’ai pas vraiment le cœur à la fête. Et ça me surprend, encore une fois.
Les jours suivants, je repense à ce que je viens de traverser : le diagnostic reçu la veille de mes trente ans et toute cette aventure cancer du sein qui m’a été imposée. Je ressens beaucoup de fatigue. Je constate qu’on ne reprend pas si aisément la vie là où on l’avait laissée. Le retour au travail ne m’emballe plus. Je me surprends même à le redouter. Il y aura plusieurs personnes à voir à mon retour. Travaillant dans un hôpital au moment du premier diagnostic, sur différents étages et en lien avec plusieurs départements et disciplines, je sais que je vais devoir rencontrer un nombre incalculable de personnes et à répondre à plusieurs questions. Je me demande si je vais être assez forte psychologiquement pour raconter mon histoire à répétition. Au lieu de rester calme comme à mon habitude, je sens le stress se pointer le bout du nez.
Pourquoi je vous raconte tout ça?
- Parce que je pense que d’avoir été préparée à la fin de mes traitements m’aurait aidée
- Parce que j’espère que mon histoire servira peut être à sensibiliser certaines personnes qui approchent la fin des traitements. Du moins, si on connait cette possibilité, on peut mieux s’y préparer.
- Parce que si j’avais lu un texte comme celui-ci, j’aurais probablement continué à monter la garde un peu plus longtemps. Je n’aurais pas été prise par surprise.
- Parce que je me serais sentie moins seule et moins désemparée si j’avais été informée des réactions possibles à la fin des traitements.
- Parce qu’il faut savoir qu’on ne reprend pas vraiment sa vie où on l’a laissée. Très souvent, il y a un « avant » et un « après » cancer du sein. Ceci dit, sachez que cet énoncé n’apporte pas que du négatif, au contraire! Dans mon cas, ça m’a menée à fonder mon entreprise, Studio Équilibra, en lien avec le cancer du sein, quelques années plus tard!
- Parce qu’il est bien de savoir que lorsque les traitements sont terminés, ce n’est pas vraiment terminé. Il faut se refaire une santé physique et ça ne se fait pas d’un coup de baguette magique.
Forte de cette expérience, j’ai vécu différemment ma deuxième « fin de traitement ».
À la fin de mes traitements de chimio lors de mon deuxième diagnostic de cancer du sein, les personnes de mon entourage se réjouissent pour moi! Ça me fait vraiment beaucoup de bien tout en étant consciente de ce qui s’en vient. Pour la plupart des gens, le dernier traitement de chimio administré signifie la fin de la tempête. Pour moi, ce dernier traitement de chimio sera le plus pénible. Celui qui apporte d’autres effets négatifs cumulatifs à ceux des traitements précédents. Le dernier est souvent le pire. Mais cette fois, je sais d’avance que ça prendra un certain temps à me remettre. Je sais que je ne reprendrai pas ma vie où je l’ai laissée, au mieux, pas tout de suite. Je sais que cette aventure va m’amener ailleurs et que je ne serai pas tout à fait celle que j’étais avant. Quand on sait tout ça, on le vit tellement mieux! Tout comme on apprend à être résiliente à l’annonce du diagnostic et durant les traitements, on peut apprendre à l’être aussi après la fin des traitements. On fait de notre mieux et on fait confiance à la vie.
Me voici aujourd’hui (mi-février 2019) 5 ans après la fin de mes traitements (deuxième diagnostic). Je me réjouis d’avoir atteint cette étape symbolique. Et j’ai tout simplement envie de vous dire ceci : « Laissez-vous le temps de vous rebâtir et de récupérer après la fin des traitements. Donnez-vous au moins le même temps pour remonter la pente après vos traitements que le temps passé en traitement. Acceptez que la vie puisse vous mener ailleurs par rapport à où vous étiez avant vos traitements, que ce soit dans votre tête ou concrètement dans vos vie. Ce ailleurs, quoi que différent, peut être très bien et même positif. C’est ce que j’ai vécu…
La vie est belle!
N’hésitez pas à partager ici vos expériences et vos réflexions sur le sujet. Comment ça s’est passé pour vous? Quels conseils donneriez-vous aux femmes qui terminent leurs traitements?
J’ai très hâte de vous lire!